«Où vais-je la mettre?»
On raconte quil y a de cela bien longtemps dans Bellechasse vivaient deux cultivateurs qui étaient toujours en
bisbille. Une histoire de terrain... Ça se poignait ces deux familles là depuis des générations. Puis, il ny a jamais eu
moyen de régler rien daucune manière, surtout en matière darpentage.
Toujours que le temps passe. Puis arrive ce qui devait arriver. Les gens de la paroisse sont intervenus. Puis, ça a
décidé tout ce beau monde-là de déterrer en présence dun notaire la borne qui avait été enfouie par le grand-père
anciennement pour marquer la limite entre les deux terres.
On a cherché. On a creusé. On a trouvé. Curieusement, la pierre en question se trouvait à un endroit qui avantageait
de beaucoup un des deux habitants. Lui, disait : « Je le savais. Je le savais quelle était pour être là. Moi jétais le
plus jeune à la maison. Le jour où le vieux Léon, mon grand-père, a enterré la borne, il ma sacré une maudite volée.
Juste pour être sûr que je me souviendrais toute ma vie de la place où elle était. » Bien, il avait gagné. Mais lui, lui
savait quil avait triché. Il savait quil avait déplacé la borne deux semaines avant quon la déterre. Mais aux yeux de
tout le monde, il avait gagné. Remarquez que ça la pas empêché de mourir comme les autres quand son heure est
venue. Puis, ironie du sort, les deux voisins sont morts le même jour. Ce qui a fait dire à un, puis à un autre, que le
paradis, si le Bon Dieu était assez bon pour les recevoir tous les deux, il était mieux dêtre mauditement bien
arpenté pour ne pas que le diable rpogne encore même dans lau-delà.
«Où la mettre?»
Le temps fait son chemin. Des années plus tard, le vent qui vente, le vent sifflant des mauvaises nuits noires de
novembre charroyait ce cri. Sans que lon comprenne qui était ce braillard-là. Quest-ce qu'il pouvait bien vouloir
mettre où? pis pourquoi?
Finalement, un bon soir, un gars de la paroisse qui revenait de veiller sur le rang où tout ça sétait passé autrefois. Il
faisait frette. Puis il faisait noir. Le vent sest levé. Dire comme on dit, le bonhomme avait pris une tasse. Il était
chaudasse un peu. Il se revire de bord, saccote sur la clôture, puis il répond : « Mets-la donc où tu las prise. »
«Merci monsieur, merci.»
Notre fêtard a juste eu le temps de voir un homme tout pâle qui portait une grande pierre dans ses mains. Le
revenant marchait de reculons en le regardant. Puis, tout dun coup, il a disparu.
Aujourdhui, eh bien les conteurs racontent. Puis, si je peux vous dire quon n'a plus jamais entendu les plaintes du
braillard de Bellechasse, je peux aussi vous assurer que dans cette région-là, il ny a plus grand chicane de terrain.