Oui c'est moi qui lave les verres et les plats
On m'appelle une "Marie-couch'-toi-là"
Quand on me donne un penny
Faut encore que j'dise merci
Me v'là en habits loqu'teux
Au fond d'cet hôtel miteux
Vous n'savez pas aujourd'hui qui je suis
Vous n'savez pas aujourd'hui qui je suis
Mais un soir, un beau soir
Grand branle-bas
Les gens courent sur la rive,
Disant : "Voyez qui arrive!"
Et moi je sourirai pour la première fois
On dira : "Voilà que tu souris, toi?"
Un navire de haut bord
Cent canons aux sabords
Entrera dans le port!
Moi toujours je lav'rai
Les verres et les plats
J's'rai toujours une "Marie-couch'-toi-là"
Quand on m'donn'ra un penny
Toujours je dirai merci
J'gar'drai mes habits loqu'teux
Au fond d'cet hôtel miteux
Et demain, demain comme aujourd'hui
Vous ne saurez toujours pas qui je suis!
Mais un soir, ce beau soir pour qui je vis
Voilà que les canons
S'éveilleront et tonneront
Pour la première fois, j'éclaterai de rire
"Quoi méchante, t'as le coeur à rire?"
Le navire du haut bord
Cent canons aux sabots
Bombardera le port!
Alors viendront à terre les matelots
Plus de cent, ils marqu'ront d'une croix de sang
Chaqu'maison, chaqu'porte,
Et c'est d'vant moi qu'on apporte,
Enchaînés, implorants, mutilés et saigneux,
Vos pareils, tous vos pareils, beaux messieurs!
Vos pareils, tous vos pareils, beaux messieurs!
Alors paraîtra celui que j'attends, il me dira :
"Qui veux-tu de tous ces gens que je tue?"
Et moi je répondrai doucement :
"Tue-les tous! chaque tête qui tombera, je battrai des mains
Hop là!"
Et le navire du haut bord
Loin de la ville où tout s'ra mort
M'emport'ra vers la vie!